On avait rendu visite à Tante Amélie, à Pont-à-Mousson. Guiguitte était enceinte et devait accoucher dans les jours, la semaines à venir.

Le fils de tante Amélie, cousin Jacques, possédait une voiture, une traction avant. C'est lui qui avait amené le jeune couple d'Arnaville à Pont. Il devait revenir le lendemain pour véhiculer Guiguitte à la maternité. Rendez-vous avait été pris.

Mais ! Voilà l'inattendu! Le soir même, vers les sept heures du soir, alors que Jacques venait de repartir, la jeune épouse ressent ses premières douleurs, violentes tout soudain.

Que faire ? Accoucher sur place? Gagner la maternité en toute hâte? A l'époque, 1945, pas de téléphone, ni portable ni fixe chez Tante Amélie.

Les douleurs s'intensifient. La panique s'installe. Que faire. Trois maisons plus loin, un des voisins de Tante Mélie est propriétaire d'une jeep achetée par on ne sait quelle transaction à des soldats américains de l'armée Patton, présente en force dans la région depuis l'automne 44.

On va demander sans différer. Le vieux Jules est d'accord.

Mais voilà ! autre difficulté ! la maternité se trouve de l'autre côté de la Moselle, les ponts, détruits, n'ont pas été rétablis. Il faudra faire 15 km vers Metz par la rive droite, traverser à Arnaville où les Américains ont jeté un pont de franchissement pour les chars, puis remonter par la rive gauche, jusqu'à Pont-à-Mousson à nouveau.

Le temps presse, la nuit tombe, il pleut, un peu, l'air n'est pas chaud en ce début mai. La jeep du vieux Jules est arrivée devant la porte du jardinet de Tante Mélie, toute pétaradante. Le jeune époux, Georges, et sa jeune femme toute emmitouflée prennent place, lui à l'arrière, elle devant, se tenant le ventre, crispée de douleur.

Plus de trois heures de route. Il fallut gagner le passage à Arnaville, à la bonne volonté des soldats américains stationnés.

Le bébé est arrivé vers cinq heures le matin, bien portant, en ce remarquable 8 mai 1945. Dans le lit à côté de celui de Guiguitte, une femme venait d'accoucher elle aussi, d'un beau gros bébé .. noir. Elle était en sanglots, allez savoir pourquoi.

8 mai 1945, vous imaginez!

Ironie du sort, coïncidence, Guiguitte et Georges se rappelait ce qui s'était passé 9 mois moins trois jours auparavant .. Le 11 août 1944, un autre grand événement. Cluny libéré, auto-libéré, un mois au moins avant Mâcon, avant Chalon ..

Lorsque les jeunes de 18 ans sont "libérés" ? Vous voyez ce qu'ils peuvent faire? dans les prés, dans les champs, au fond des granges, au creux des meules de foin..

Le Vieux Jules fut nommé Parrain. Et sa jeep, Marraine.

Ecoutez donc ... là !